Les deux vainqueurs sont les parfaits opposés. Massa, membre du gouvernement sortant, s’impose comme le candidat ayant ravivé le péronisme en Argentine. Si ce courant politique vieux de plus de 60 ans est difficilement rattachable à une idéologie précise, Massa incarne un péronisme de centre-gauche. Son programme est tourné vers l’économie : il a notamment pour ambition de renforcer les entreprises publiques, de réformer le système fiscal pour qu’il soit plus progressif, ainsi que d’exonérer les travailleurs de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée). Face à lui, Javier Milei, qui se réclame de l’idéologie « minarchiste ». Libertarien convaincu, il prône un État minimal. Il défend la suppression du peso (la monnaie en Argentine), la réduction des dépenses publiques, et est favorable à de nombreuses mesures conservatrices. Connu pour ses interventions polémiques à la télévision, il est apparu sur la scène politique en 2021, en étant élu député de Buenos Aires lors des législatives partielles.
La « remontada » de Massa questionne suite au bilan économique de son mandat jugé catastrophique par beaucoup. Mais la promesse « d’unité nationale » faite par ce dernier lui a certainement permis de gagner la confiance de certains électeurs. Milei, quant à lui, illustre la volonté d’une partie des Argentins d’essayer une nouvelle voie politique. Cet« outsider » incarne une alternative pour les populations qui subissent de plein fouet la crise.
« Une situation rude pour les argentins »
La bataille qui se joue lors de cet entre-deux tours n’est pas anodine : l’enjeu est important pour Massa, dans un pays où l’inflation est de 140 %. Une situation rude pour les Argentins qui ont vu leur pouvoir d’achat diminuer drastiquement ces derniers mois. Bien qu’il soit largement arrivé en tête, l’échéance reste de taille pour le candidat péroniste qui doit convaincre le restant des voix dissidentes ou indécises. Ce lundi 6 novembre, il a tenu un meeting dans la ville de Córdoba, qui a massivement voté pour Milei au premier tour. Se détachant de la politique du gouvernement actuel, il a invité à ne pas céder à la colère, et à ne pas « sauter dans le vide, vers le passé. »
L’entre deux tours est mobilisateur. Ce dimanche 5 novembre, une marche libertaire en soutien à Javier Milei a réuni des centaines de personnes à Buenos Aires. Dénonçant une « fraude » de la part de Massa, les manifestants ont également rejeté la politique du gouvernement actuel. Mais le week-end a aussi été marqué par des manifestations en soutien à Massa, notamment lors de la mobilisation LGBTQI+ « marche des fiertés ». Pour eux, la victoire de Milei est une menace pour les acquis démocratiques. Si la marche a toujours été politisée, beaucoup considèrent qu’elle n’a jamais fait autant allusion aux défis électoraux. Une occasion de se mobiliser contre l’extrême droite, et de rappeler l’importance des droits fondamentaux, à une dizaine de jours d’un scrutin incertain.
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