La droite et l’extrême droite ressortent gagnantes du jeu législatif. Instauration d’un principe de préférence nationale, remise en cause du droit du sol, caution à fournir pour l’obtention d’un titre de séjour étudiant, réforme de l’AME (Aide Médicale d’État), la liste est longue. Des mesures qui inquiètent de nombreux chercheurs, bénévoles et personnes exilées. Olivier Esteves, spécialiste de la culture et de la politique des pays anglophones, estime, dans une tribune publiée au Monde, qu'elles risquent d’aggraver le racisme systémique en France.
« Sur les plateaux télés, les étrangers sont vus comme dangereux »
Selon le rapport annuel de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, en 2022 42 % des Français estimaient que l’immigration était la principale cause de l’insécurité. Un chiffre lourd de sens, qui illustre la désinformation autour de ce phénomène : “Sur les plateaux télé, les étrangers sont vus comme dangereux. Plusieurs fois j’ai été contrôlé comme un délinquant alors que je suis étudiant, je travaille, je ne fais rien de mal” raconte pour "Mundus Presse" Rajib, étudiant étranger vivant en France. Jouant sur cet imaginaire raciste, la loi pousse à la stigmatisation des personnes exilées. Pourtant, les publications scientifiques montrent qu’il n’y a pas de lien entre immigration et délinquance. Selon le Centre d’Etudes Prospectives et d’Informations Internationales rattaché à Matignon, la surreprésentation des étrangers parmi les condamnés est due à la précarité, et à un “traitement différencié” des personnes étrangères tout au long de la chaîne pénale.
“Ça me choque d’entendre que les étrangers viennent pour profiter des aides »
Emblème de la loi, le principe de préférence nationale entretient l’idée d’une immigration oisive et intéressée. Rajib s’en désole: “Ça me choque d’entendre que les étrangers viennent pour profiter des aides. Les personnes qui sont dans le métro à 5 heures du matin ce ne sont pas celles qui profitent”. Désinfox-migrations le montre, le recours des personnes étrangères aux prestations sociales est moindre que dans l’imaginaire collectif. Seulement 51% des personnes pouvant bénéficier de l’AME en sont couvertes.
« Cette loi certifie que tu n’as pas le droit d’évoluer en France »
Prévue dans le projet initial du texte, la mesure permettant la régularisation automatique des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension s’est finalement transformée en une décision à la discrétion du préfet. Un revirement décrié par beaucoup. Pour cause, son caractère arbitraire. Rajib raconte son expérience : “Quand je suis arrivé en France, j’avais un diplôme niveau master, mais je ne parlais pas français. J’ai dû travailler comme agent d’entretien. Je n’avais pas le choix, c’était difficile”. Il ajoute : “cette loi certifie que tu n’as pas le droit d’évoluer en France”. Il touche du doigt ce que de nombreuses associations mettent en avant. Sans proposer de formations, l’État condamne les personnes étrangères à travailler dans les métiers dits en tension, sans possibilité d’évolution.
Dans un entretien pour Médiapart, Jean-Yves Pranchère, professeur en philosophie politique, explique que les mesures prises par la loi seront “contre-productives”. Interrogée par "Mundus Presse", Célia, bénévole à Calais, le constate également. Pour elle, la loi est une réponse sécuritaire "symbolique" qui n’aura pour effets que d’augmenter la précarité et le nombre de sans-papiers. En faisant le parallèle avec la situation à Calais, elle explique que la violence des forces de l’ordre n’empêche pas les personnes étrangères de traverser la Manche, mais augmente le risque de naufrages.
Le Conseil constitutionnel devrait se prononcer jeudi 25 janvier sur la conformité de la loi vis-à -vis de la Constitution.
Crédit Ed JONES / AFP