La pratique de la censure littéraire est très ancienne et malgré ce que nous pourrions penser, son utilisation n’est ni inscrite dans le passé ni limitée aux pays ne connaissant pas la démocratie.
Dans l’imaginaire collectif, le bannissement des livres est associé à des régimes autoritaires ou à des situations de guerre. Cette vision est incontestablement vraie. En effet, nombre d’États autoritaires pratiquent la censure, interdisant les livres pouvant critiquer le régime.
Cependant, la censure littéraire ne touche pas que les États autoritaires. En réalité, cette pratique n’a jamais été abandonnée. L’exemple le plus important, et certainement le plus inquiétant, est celui des États-Unis. En effet, pendant l’année scolaire 2022-2023, une hausse de 33% du nombre de livres bannis a été observé dans les écoles de la “plus grande démocratie du monde” selon le PEN report. Ce chiffre ne contient malgré tout que la censure documentée, certains livres sont bannis dans l’indifférence du public.
Hausse de 33% du nombre de livres bannis aux Etats-Unis
En opposition avec les méthodes des autres pays, nombre de demandes de bannissements se font par des groupes ou individus et non par le gouvernement aux États-Unis. Les livres sont alors bannis à l’échelle d’une école ou d’un district très souvent pour avoir un contenu explicitement sexuel n’étant pas approprié à des élèves.
L’un des groupes les plus connus est “Moms for liberty” qui a établi une liste des livres nécessitant d’être bannis. Afin d’obtenir la censure de livres, ces groupes utilisent tous les moyens possibles n’hésitant pas à utiliser les mêmes enfants qu’ils souhaitent protéger. Par exemple, en novembre, le groupe avait mené une action avec l'aide d'un professeur. Ils avaient utilisé une élève en lui demandant d’emprunter un livre à la bibliothèque scolaire. Ils ont par la suite retiré le livre à la jeune fille et une des membres de l’association s’est rendue au commissariat de police afin de dénoncer un “crime”.
De nombreuses personnes se battent contre ce phénomène. Ils utilisent le premier amendement de la Constitution américaine et la liberté d’expression qu’il garantit dans le but de freiner ce mouvement. Ceci est notamment le cas pour les groupes principalement visés par cette censure.
Depuis toujours, la censure a été utilisée afin de lutter contre de possibles révolutions du peuple. Alors que la censure sur les livres politiques existe toujours, de nouveaux sujets font l’objet de bannissement dans le monde.
Des livres majeurs tels que 1984 de George Orwell ou To kill a mockingbird de Harper Lee ont connu et connaissent toujours la censure. Ceci est principalement lié au fait que ces livres remettent en question les régimes politiques de leur récit. La censure littéraire a alors tout d’abord touché ces livres politiques qui, selon les élites des États, pouvaient remettre en cause tout un système.
Ces livres sont toujours bannis, pour beaucoup dans les États autocratiques comme l’Iran ou la Russie, cependant les États démocratiques sont également concernés. En effet, dans la vague de bannissement littéraire, des États ou districts des États-Unis remettent en question la présence de ces romans dans les librairies. Pour certains, le bannissement n’est pas obligatoire mais ils sont “challenged”, ou en d’autres termes soumis à une inspection pour savoir si leur censure est appropriée.
Depuis quelques décennies, le phénomène touche d’autres livres qui concernent des thèmes plus spécifiques et axés sur des minorités. La censure s’exerce alors de manière globale dans les États non-démocratiques mais ils ne sont pas les seuls à voir son évolution grandir. Dans les pays démocratiques, cette censure ne s’exerce pas de manière directe. Les livres sont souvent bannis pour avoir un contenu sexuel ou pornographique. En étayant les recherches, les raisons de ces bannissements ne sont alors pas liées à ce motif unique. Beaucoup de ces écrits font référence à la communauté LGBTQIA+ ou font apparaître un personnage non-blanc. Il ne s’agit alors pas de protéger les enfants de contenu non adapté à leur âge mais de limiter la littérature dans sa représentation.
Face à de tels comportements dans un État démocratique, nous pouvons questionner la place de la censure dans nos vies présentes et futures.
Les chiffres de la censure littéraire évoluent de manière grandissante et ce sujet, malgré son importance cruciale, ne fait que peu parler de lui-même. Il paraît alors judicieux de rappeler que cette censure ne se fait pas uniquement à l’encontre des livres mais également des médias de tout genre. Leur porter atteinte revient à mettre en danger nos libertés fondamentales.
En effet, en censurant des médias, l’accès à l’information est limité. Dans le cadre de livres bannis dans des bibliothèques scolaires, ceci enlève la liberté des enfants à former leur propre opinion et de lire ce qu’ils souhaitent. De plus, les livres permettent la représentation de tous. Par le bannissement de livres sur les minorités par exemple, cet objectif est mis en danger.
Enfin, chaque année, afin de lutter contre ce fléau, la “American Library Association” invite à lire ces livres bannis en créant la “Banned Books Week”. Cette association nous recommande de consulter le nom de ces livres, d’en choisir un et de le lire. Il pourrait alors s’agir d’une nouvelle forme de désobéissance civile.
Crédit : Emmanuel Lafont